Chronique du racisme ordinaire #22 : de l’homophobie intériorisée

Ayant récemment entamé la série « Years and years » (que je vous déconseille si vous n’avez pas déjà prévu de vous pendre prochainement), j’ai cherché à en savoir plus sur les acteurs, que je ne connaissais pas. Parmi eux, l’actrice T’Nia Miller, d’une beauté totale (elle a fait son « coming out queer », dixit Wikipedia, en 2020 !!!), et celui qui joue le rôle d’un homme gay, un certain Russell Tovey, ouvertement gay.

Je tombe donc sur quelques articles concernant la bête : « Six bonnes raisons de vouloir épouser Russell Tovey », « Russell Tovey s’est fiancé avec son rugbyman » (pas de panique messieurs : les fiançailles ont été rompues), « RT et son nouveau fiancé footballeur » (ah, si vous briguez le poste, vous allez devoir faire pas mal d’abdos)… et puis : « Son père voulait le guérir avec un traitement médical » et : « RT a choqué les mecs gays efféminés » (https://actu.inverti.fr/actualites-lgbt/peoples/russel-tovey-a-choque-les-mecs-gays-effemines/7245/). Ça commençait à devenir intéressant pour la gouine intello que je suis…

De quel dérapage notre Mister Six Pack s’est-il rendu coupable ? Il aurait dit être content que son père l’ait empêché d’aller dans une école d’art dramatique (et non de danse, comme l’indique l’article français ; voir : https://www.dailymail.co.uk/news/article-2978904/Gay-History-Boys-actor-apologises-saying-glad-didn-t-drama-school-students-prance-effeminate.html), parce qu’il trouve que les étudiants y sont trop « efféminés » ; grâce à son père, il aurait heureusement pu « s’endurcir ». Comprenant le problème, l’acteur a présenté sincèrement ses excuses. Tout comme il excuse sincèrement son père de sa volonté de le « guérir » de l’homosexualité. Il n’empêche qu’il avait trahi sa vision des choses : on peut être gay à condition d’être un homme, un vrai, six pack guaranteed ; la vision paternelle avait bien infusé. 

Excusons-lui nous aussi sa bourde, parce qu’il a l’air d’un brave garçon et parce qu’il me semble qu’on voit là à l’œuvre ce qu’on appelle « homophobie intériorisée » ; partielle cependant, parce qu’il reconnaît et vit ouvertement son homosexualité, mais homophobie présente dans la mesure où, bien qu’étant gay, il répète des stéréotypes et entérine la stigmatisation à l’encontre d’une partie des hommes gays, ceux qui ne rentrent pas dans les cases de la masculinité prototypique. Il a intériorisé ces stéréotypes, les répète, et lui-même s’accepte en tant que gay dans la mesure où il ne correspond pas à ces stéréotypes-là.

Mais l’homophobie intériorisée, ça peut aller beaucoup plus loin : honte, culpabilité, refus de vivre son orientation sexuelle, voire refoulement total de celle-ci, tentatives de suicide, ou encore comportements homophobes et violents à l’égard des LGBT+, pour se prouver et prouver aux autres qu’on n’en est pas.

Laquelle d’entre nous ne connaît pas une caissière qui a un crush évident pour nous et qui pourtant nous fait clairement comprendre qu’elle nous méprise pour notre homosexualité trop manifeste ? Je vous laisse méditer sur l’ambivalence qui peut parfois se cacher derrière l’homophobie ordinaire… (et préférons toujours les caissières homophobes plutôt que les caisses automatiques ; ceux qui auront survécu jusqu’à l’épisode six de la série me comprendront).

Anna-Livia.